Marie TOP

17 janvier 2025

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L’attachement des jeunes enfants : qu’en est-il à l’école ?

L’attachement des jeunes enfants : qu’en est-il à l’école ?

Actuellement en France, 99,8% des enfants de 3 ans sont accueillis à l’école maternelle. Ainsi, pour beaucoup d’enfants l’école constitue une des premières expériences sociales en dehors de leur environnement familial. Si elle n’est pas toujours la première séparation, elle représente l’entrée dans le monde scolaire, espace social important dans notre société actuelle.

Ces jeunes enfants vivent un passage délicat en passant le seuil de l’école : ils se séparent de leur environnement familial, ils découvrent le système scolaire, ils sont plongés dans la collectivité alors qu’ils en sont aux prémices de la construction de leur individualité… Tous ces éléments sont à prendre en considération car ils viennent réactiver le système d’attachement de l’enfant.

Les travaux de Bowlby, puis Ainsworth et Main ont montré que le système d’attachement est un système de comportement dédié à la recherche et au maintien de la sécurité et à l’exploration de l’environnement.
Autrement dit, l’attachement recouvre deux fonctions : la sécurité et l’exploration (qui peuvent être en compétition). L’attachement met en lien deux systèmes complémentaires : le système d’attachement de l’enfant et le système de caregiving de l’adulte (fonction de prendre soin).

Dans les textes (depuis la loi d’orientation de 1989), les parents sont reconnus comme partenaires de l’école. Mais dans les faits, une grande diversité de pratique semble co-exister au sein d’une même institution.

Prenons l’exemple de l’accueil du matin, premier espace de transition entre la famille et l’école lors duquel le système d’attachement de l’enfant est particulièrement activé : l’enfant entre-t-il seul dans la classe ? Est-il pris dans les bras ? A-t-il la possibilité d’être rassuré par la présence physique ou symbolique de ses parents ?  Peut-il prendre son « doudou », sa tétine ou des objets de la maison ? Lui adresse-t-on bonjour en français et/ou avec sa langue maternelle ?
À toutes ces questions, une grande diversité de réponses existe aujourd’hui dans les écoles maternelles françaises.

Les espaces et les objets de transition vont permettre à l’enfant de séparer de manière sécure et s’ouvrir aux apprentissages et aux découvertes. Il est possible d’aménager des espaces scolaires riches en découvertes tout en étant en continuité avec l’environnement familial.

Si nous prenons l’exemple de Pistoia, reconnue pour sa qualité d’accueil à un niveau international, c’est une vision systémique du tout-petit qui est privilégiée. L’enfant, considéré comme une personne intégrée dans sa famille et sa communauté est le bienvenu, au même titre que son environnement familial et cela est rendu visible.
Par exemple, des photos ou des paroles de parents sont affichées sur les murs de l’école, des boites aux trésors au moment des départ et retour en vacances circulent entre l’école et la maison, des affiches avec des bonjours en différentes langues sont affichées sur les portes d’entrée… ainsi l’enfant peut à la fois se sentir sécurisé par la proximité établie avec son environnement familial et s’ouvrir à la diversité.

Durant le temps scolaire, l’enfant est séparé physiquement de ses parents. En l’absence de ses figures d’attachement principales, il pourra se tourner vers d’autres adultes de l’école, figures d’attachement secondaires. Ainsi, le système d’attachement de l’enfant rencontre d’autres systèmes de caregiving.
Ce qui permet un lien d’attachement sécure c’est la qualité des réponses du caregiver. Ce que l’enfant doit trouver pour développer un attachement sécure et se tourner vers les apprentissages, c’est la prévisibilité, la cohérence, la chaleur, des réponses sensibles et rapides (dans le timing).

Les travaux de Toussaint et Bacro (2021) mettent en évidence l’importance du rôle de caregiver des adultes qui accompagnent l’enfant. Dans les apprentissages le rôle du caregiver est primordial : l’enfant a besoin d’un caregiver qui l’aide à avancer dans ses essais et ses erreurs,… quand on se trompe, on répare.
Un professionnel prévisible, qui répond de façon adaptée à l’enfant lui permet d’être sécurisé, rassuré, réconforté. Le caregiver a une fonction de régulation des émotions : les reconnaitre, les nommer, les vivre, les dépasser…

La proximité émotionnelle est très importante pour comprendre l’enfant et l’accompagner. Si l’enfant se sent valorisé, soutenu, stimulé, encouragé à s’autonomiser il s’engagera volontiers dans les découvertes et les apprentissages.
A l’inverse, l’indisponibilité des figures d’attachement, les menaces, les incertitudes viennent activer le système d’attachement et freiner les apprentissages (Mintz, Pérouse de Montclos, 2009).

Enfin, le rôle des professionnels en tant que caregivers est important pour la socialisation des jeunes enfants, le « vivre ensemble ». Les travaux de Florin (2009) montrent que si l’enfant construit un attachement sécurisant avec les adultes qu’il rencontre à l’école, il sera en capacité de nouer des relations sereines avec ses pairs.

Les enfants ont besoin d’adultes sécurisants, chaleureux, attentifs qui les considèrent en tant que sujets, que ce soit dans l’environnement familiale ou à l’école. La diversité des caregivers rencontrés viendra nourrir ou activer le système d’attachement de l’enfant et ses possibilités d’exploration.

Dans ses travaux, le Dr Anne-Sophie Barbey-Mintz (2017) aborde l’importance de l’attachement dans le contexte scolaire. Elle explique que diverses situations de la vie scolaire activent le système d’attachement des enfants qui expriment alors leurs besoins affectifs.

Il est décisif que les adultes, notamment les enseignants, comprennent ces besoins et y répondent pour permettre à l’enfant d’explorer l’univers scolaire avec une sécurité émotionnelle suffisante. Cette approche favorise une adaptation de l’enfant à l’école. Le rôle des adultes en direction des enfants apparait donc capital pour l’épanouissement, le bien-être et la réussite scolaire des enfants.

Chaque professionnel peut être une base de sécurité s’il peut s’appuyer sur une équipe, sur une institution, un système. Pour que les apprentissages puissent se faire il faut aussi que les enfants bénéficient d’une sécurité émotionnelle avant même l’entrée à l’école, en quoi leurs conditions de vie et la manière dont leur propre figure d’attachement principal répond à leurs besoins fondamentaux est une condition pour l’exploration ?

En quoi la collaboration entre adultes contribue à un attachement sécure et à la réussite éducative des enfants ?
Le colloque « Attachement et Séparations », organisé par le Centre Régional de Formation des Professionnels de l’Enfance, sera l’occasion de confronter les pratiques et de penser les ponts entre adultes des différents systèmes éducatifs dans lesquels évoluent les enfants.

Marie TOP, Cadre pédagogique au CRFPE et chercheure associée au laboratoire CIREL, université de Lille.

Voir les sources

      • Barbey-Mintz, A-S. (2017). L’attachement à l’école primaire. In : Barbey-Mintz, A., Dugravier, R. et Faure-Fillastre, O. L’attachement, de la dépendance à l’autonomie Illustrations pratiques.
      • Bowlby, J. 1988. A secure base, new york, books.
      • Florin, A. (2009). Les effets de la scolarisation à deux ans : comparaison de différentes modalités d’accueil ». In : Passeireux C., Maternelle : première école, premiers apprentissages, Paris, Chronique sociale.
      • Leleu- Galland, E. (2017). L’école maternelle, une école pour apprendre à grandir. In : Barbey-Mintz, A., Dugravier, R. et Faure-Fillastre, O. L’attachement, de la dépendance à l’autonomie Illustrations pratiques.
      • Main, M., Kaplan,N & Cassidy, J. (1985). security in infancy, childhood an adulthood : a move to the level of representation. in : Bretherton, I. & Waters, E., growing points of attachement theory and research, monographs of the society for research in child development, 50, p. 66-104.
      • Mintz, A-S. & Pérouse de Montclos, M-O. (2009). L’attachement entre 4 et 12 ans. In : Guedeney N, Guedeney A. (sous la direction de), l’attachement : approche théorique. du bébé à la personne agée, (3ème éd.), Issy les moulineaux, Elsevier Masson, p. 103-112.
      • Toussaint, E. et Bacro, F. (2021). La sécurité affective et le bien-être des enfants confiés : une analyse du vécu du placement à la lumière de la théorie de l’attachement. La psychiatrie de l’enfant, Vol. 64(1), 171-187.